Une main fraternelle se posa fugacement sur l’épaule de Randajah. Vadith baissa les yeux sur son amie et lui adressa un sourire amical. Il avait vécu des soirées plus calmes, mais il ne regrettait pas l’expérience. D’ailleurs, il avait l’impression que ce qu’ils vivaient tout deux venait de les rapprocher. Pour l’instant, en tout cas. Le réel test viendrait sûrement après.
Aussi, lorsqu'Ashan s'ouvrit un peu plus, Lysander haussa les épaules avec un air détaché qui signifiait qu’il ne lui tenait pas ombrage des prémices de dispute.
« Oui, je sais… » répliqua-t-il avec une certaine malice en jetant un regard rieur à Ashan. Pourtant, le compliment le touchait plus sincèrement qu’il ne voulait bien le montrer.
Il se garda, en revanche, de réitérer la promesse qu’il lui avait faite hier. Manifester son attachement n’était pas vraiment dans ses habitudes, d’autant que l’Apprenti préférait les actes aux belles paroles. Celles-ci, il les réservait à ceux qu’il roulait dans la farine, ou dont il souhaitait obtenir quelque chose. Or, il n’attendait rien d’Ashan. En revanche, il savait à présent qu’il serait là pour elle, et contre elle s’il le fallait. Pour qu’elle ne bascule pas. Parce qu’elle était innocente, et qu’il n’y avait qu’un seul responsable de sa souffrance. C’était une épreuve face à laquelle elle était d’autant plus seule qu’elle n’avait pas de Maître pour la guider et l’amener à mieux gérer les émotions puissantes qui se mélangeaient en elle. Si elle s’en sortait, elle en serait incroyablement grandie, songea Vadith en jetant un coup d’œil en coin à la jeune femme.
À ce moment, celle-ci ralentit le pas et l’air circonspect qu’elle afficha éveilla l’attention de Lysander. Comment ça, est-ce qu’il se souvenait ? Parce qu’elle ne connaissait pas le chemin, finalement ? L’Apprenti se frappa le front avec le plat de la main, puis pouffa de rire.
« Sérieusement ? »
Le jeune homme regarda à gauche, à droite, à gauche… Puis s’engagea à gauche, l’air fermement décidé.
« J’crois que c’est par là. On va dire que la Force nous guidera ! »
Au bout de vingt minutes après lesquelles les deux Apprentis eurent pu remarquer, qu’en fait, c’était par la droite qu’il fallait prendre, une bonne odeur de boissons chaudes et de viennoiseries vint caresser leurs narines à l’embranchement d’une rue. Affamé, comme toujours, Lysander accéléra la cadence, s’élançant presque comme un conquérant s’apprêtant à faire un massacre dans le sillon du fumet. Quelques mètres plus tard, le duo s’installait à une table ronde, prêt d’une étagère sur laquelle était juché un momong assoupi.
La boulangerie était relativement bondée et les clients allaient et venaient, certains choisissant comme eux de déguster leur petit-déjeuner sur place. Les droïdes-serveurs s'élançaient avec agilité entre les tables, distribuant avec une efficacité redoutable menus, couverts et petit-déjeuners. L’un d’eux passa à leur table, leur souhaitant la bienvenue d’une voix féminine mais métallique.
Tandis que Lysander mettait le nez dans le menu, l’avidité brillant dans ses yeux sombres, une petite fille au comptoir les observait avec une discrétion digne d’un bantha, les pointant carrément du doigt à l’intention de sa mère, qui lui secouait l’épaule en lui murmurant des remontrances.
« Mais je crois que ce sont des Sith, maman ! » entendit-on s’élever d’une voix qui portait d’autant au-dessus du joyeux brouhaha qu’elle était aigüe.
« Tiens, ça change. Hier, on n’était clairement pas des héros aux yeux de la population. » commenta Lysander tout en passant commande sur le menu digital.
Un thé, un cheesecake, deux croissants, trois œufs, une assiette de bacon de cochon-globe et un bol de céréales commandés, il s’accouda à la table et regarda Ashan, tout en pensant à autre chose.
Ses interrogations à propos de l’avenir revenaient, et il tenta de les chasser en se focalisant sur son amie. Et, tout naturellement, une question lui traversa l’esprit : « Tu t’es déjà demandé ce que tu ferais, une fois ton apprentissage accompli ? »