An 517, semaine 5 du mois 7. Bien que je ne sois plus acolyte depuis pas mal d’années, mon Maître m’invite régulièrement à retourner à l’Académie, où, sans le cacher, je séjourne avec plaisir. L’endroit ne me semble plus aussi terrible qu’autrefois, lorsque je n’avais pas quinze ans et que j’étais entouré d’ennemis. Les acolytes, entre eux, n’ont pas de pitié. J’ai appris à ne pas en avoir en retour. Mais, à vingt ans, je regarde avec un certain amusement ces Sith en devenir, en songeant au fait qu’un bon nombre d’entre eux ne survivront pas à la rivalité exacerbée, nourrie et par le désir de se distinguer, de survivre… et par leurs professeurs.
Nous n’étions plus que deux dans notre dortoir, avant que Lord Davoros me fasse l’honneur de me prendre sous son enseignement. Je n’ai jamais été directement à l’origine de la mort du moindre de mes camarades, mais j’ai fait ce qu’il fallait pour m’en tirer.
Dans les premiers temps de mon passage en tant qu’Apprenti, je me sentais très fier. L’orgueil me donnait un sentiment de supériorité sur ces jeunes ouailles que je jaugeais d’un œil condescendant. Aujourd’hui, je me rappelle avec un peu plus d’acuité les difficultés, les souffrances, les pertes que j’ai enduré. Et quand bien même le zèle excessif et grandiloquent d’une poignée d’enfants, que je croise régulièrement, me prête à sourire, j’éprouve vis-à-vis d’eux une sympathie que je n’étais plus capable de ressentir au terme de ma formation d’acolyte.
J’ai manifestement gagné en sérénité, mais je ne suis pas encore assez sage pour ne pas écouter parfois mon petit orgueil. Ça, je vous le confesse.— Notes personnelles de Lysander Vadith
C’était la quatrième salle d’entraînement que Vadith ouvrait et dans laquelle il découvrait une masse grouillante de petits acolytes, parfois surveillé par un maître, d’autres fois livrés à eux-mêmes, comme l’étaient ceux devant lui au moment où il s’arrêtait net sur le pas de la porte.
De nombreuses têtes s’étaient tournées vers lui. Certains le regardaient avec curiosité, d’autres avec méfiance. Puis, un petit acolyte du nom de Mirakh, de ce qu’il se rappelait, le reconnut. Avec un enthousiasme qui n’augurait rien de bon, le garçon fit une courbette à son intention.
« Bonjour, Monsieur Vadith ! Vous tombez bien ! Nous nous entraînions au Shii-Cho.— Et sans superviseur… ? Répliqua Lysander d’un ton las. La mine déçue, l’enfant répondit :
— C’est pourquoi on utilise des bâtons plutôt que des sabres laser… Mais si vous nous supervisiez, vous ? Nous pourrions mieux progresser et prendre de vrais sabres ! » Les lueurs enthousiastes dans les yeux de la troupe auraient certainement fait fondre le cœur ronchon d’un wookie.
« Oh oui ! Et ça nous changerait de Lord Vorthak, il ne nous laisse jamais rien faire de vraiment amusant ! » entonna un autre, avant qu’une clameur approbative n’envahisse toute la salle. Certains racontaient déjà avoir déjà vu à l’œuvre le jeune Sith et assuraient qu’il était si agile qu’il paraissait à peine toucher le sol lorsqu’il combattait les autres Apprentis. Aussi, face à toute cette flatterie gonflant à mesure que les enfants se projetaient dans une séance avec quelqu’un d’un peu plus accessible qu’un Lord intransigeant, Vadith roula des yeux et soupira d’une voix grave :
« Non. »L’instant d’après, la porte se refermait sur son dos, impassible aux mines incrédules des acolytes.
Il n’était pas né de la dernière pluie. Dans son enfance, Vadith avait déjà fait le même coup à un jeune Sith dans l’espoir d’apprendre de lui des choses qu’un Maître n’aurait pas la bêtise d’apprendre à des créatures aussi juvéniles. Ça ne c’était pas très bien terminé. Ni pour une poignée d’élèves lorsque la séance de classe avait tourné à l’incident général, ni pour l’Apprenti qui avait eu la stupidité de prendre la responsabilité de gamins idiots, sans l’aval et le conseil d’un supérieur.
Puis, il n’errait pas dans l’Académie en quête d’une horde d’acolytes pour gonfler son égo. Il avait besoin d’une salle d’entraînement. Et d’une salle vide.
Il n’avait pas d’autres choix. Il allait encore devoir aller à la « Salle de la Main », comme on l’appelait à l’Académie. Avec un peu de chance, celle-ci ne viendrait pas à cette heure matinale, elle devait bien être bien trop occupée. Et puis, la dernière rumeur qu’il avait entendue ne disait-elle pas que la Main du Seigneur Noir était en mission quelque part dans la galaxie, en ce moment ? À moins que ce ne fut la semaine dernière ? Ah, et puis qu’importait.
Cela faisait deux heures que l’Apprenti de Gaben était assis en tailleur au fond de la salle de la Main. Il n’avait presque pas bougé, hormis pour se délasser les jambes par quelques passes au sabre laser contre la sphère d’entraînement qu’il avait allumé, mais le cœur de son entraînement du jour consistait à travailler sa maîtrise de la Force. Plus particulièrement l’étreinte de Force, qu’il ne contrôlait pas aussi bien qu’il le voulait.
Si l’impatience et la colère amenaient parfois Vadith à broyer l’objet qu’il soumettait à la Force plutôt qu’à l’immobiliser, d'autres fois, même une ridicule sphère d’entraînement parvenait à éviter l’emprise qu’il tentait d’avoir sur ses allées et venues. Il fallait reconnaître que l’objet était petit, et d’autant plus difficile à maîtriser que Lysander devait être précis. C’était un bon exercice, s’il ne cédait pas à l’impatience et la colère, et, face au petit robot qui le narguait en fusant dans des directions désordonnées, ce n’était pas une mince affaire.
Son regard rageur suivit la boule voltigeante quand, après avoir tressaillit une trentaine de secondes, elle s’échappa, cogna le plafond et fusa en direction de la porte, à l’instant même où celle-ci s’ouvrait sur une imposante silhouette.
Tout se passa très vite. Dans un mélange de surprise et d’effroi, Vadith eut le réflexe de tendre la main pour attirer la sphère jusqu’à lui, tout en sautant sur ses deux pieds. La sphère s’arrêta net face au visage d’Eryndal, se trémoussa, clignota, tandis que derrière elle, l’Apprenti regardait le Darth, une goutte de sueur glissant de sa tempe jusqu’au coin de son sourcil.
« Bonjour, Darth Sanguis. » osa-t-il, d'une voix pas très assurée.