Une semaine venait de passer, longue et douloureuse mais d'un intérêt à ne pas négliger. Les geôles du Triumvirat n'avaient pas été de tout repos et si j'avais crié ce n'avait à aucun moment été par plaisir. Entre les mains des Frères de l'obscur j'avais subi une violence qui dépassait de loin ce que la rumeur pouvait imaginer, tant physique que psychique. Si je ne souhaitais pas revivre à nouveau une telle semaine, elle avait été en soi une source d'apprentissage et d'introspection. Ma nature n'avait pas fondamentalement changée, en revanche j'avais eu le temps de réfléchir à propos de tout ceci, de mes choix et de mes décisions, et de mon échec.
J'avais décidé de prendre cela comme une épreuve, du même type que celles que j'octroyais à Lysander, celles dont la résolution nécessitait d'évoluer pour progresser. Cette situation m'avait amené à travailler sur mes aptitudes et mon rapport à la Force, et aujourd'hui bien que pas indemne de cette semaine, j'avais le sentiment d'avoir pu en tirer quelque chose, notamment à propos de ma perception des choses et de la Force. La progression est l'évolution, qui n'évolue pas meurt. Très réducteur en définitive mais lourd de sens était cette idée si l'on avait la motivation de s'y pencher. Et la douleur et l'instinct de survie sont parmi les meilleures sources de motivation, du moins celles à ma portée.
Beaucoup attendaient de moi des réponses et j'allais les apporter, bien conscient qu'elles allaient probablement en frustrer plus d'un. Je n'espérais pas grand chose de mon jugement, m'étant déjà résolu à en recevoir un des plus douloureux à bien des égards. La honte, la mort, l'humiliation, la déchéance, je m'étais préparé au pire mais ne me targuais pas de pouvoir présager du sort que l'on me réservait. Mon avenir était sombre et de cela je pouvais en être certain, il s'agissait d'ailleurs de la seule certitude dont je pouvais me parer.
Quitter l'antre du Triumvirat ne fut pas déplaisant, bien au contraire au vue de ce que j'y avais subi. Cette sortie était en soi une libération car elle signifiait la fin de l'attente de mon jugement, mais pour autant je n'y voyais aucun soulagement. En dépit des nombreuses visites des Frères de l'obscur et des conditions de ma détention dans l'une de leurs geôles, j'avais pu réfléchir donc à mes actes et me préparer pour ce qui allait suivre. Toutefois lorsque l'on m'amena devant les lourdes portes du Conseil noir, je pris une grande inspiration et fermai les yeux un instant avant de me faire craquer la nuque d'un bref et vif mouvement de la tête.
J'ouvris les yeux alors que les portes s'ouvraient dans un bruit lugubre, mes gardiens me forçant à avancer jusqu'à l'un des bords de la table ovale, le seule libre à vrai dire. Je profitais de ces quelques pas pour laisser aller mon regard dans la pièce, observant les différents groupes autour de la table. Un regard pour Lysander, mon apprenti qui devait avoir une bien piètre opinion de moi désormais mais comment lui en vouloir. A l'opposé de lui, parmi les proches des trois gardiens, je pus reconnaitre Ashan et son regard meurtrier, là aussi bien compréhensible. Lorsque mon escorte me signifia sans ménagement de m'arrêter, j'inclinai la tête en guise de salut pour Darth Daleth, notre guide suprême, et ne relevai la tête uniquement après que sa voix creva le lourd silence.
Le visage de marbre, en dépit des douleurs qui me tiraillaient et de la situation, j'écoutais avec attention chacun des mots de notre leader, posant mon regard sur l'objet près de sa main lorsque l'exécutrice vint y porter son visage. J'en fis de même après qu'il eut indiqué à Lord Canem de parler à son tour, bien que son éloquence fut bien différente mais comme à son habitude pour le peu que j'avais pu échanger avec elle avant tout cela. Un bref regard jeté à la main noire alors qu'elle évoque sa visite dans mon bureau, qui devait encore être griffé de la marque de mon visage qu'il y avait appliqué avec force. Sa seule considération fut le même mépris qui prédominait dans la salle et je n'en fus pas blessé, comme de l'attitude de sa compagne. En revanche décevoir notre monarque, si seulement je méritais autant d'attention de sa part, était bien plus douloureux autant pour mon ego que mon désir de le servir. Tout comme, dans une moindre mesure certes mais tout aussi bien réelle, ma déception quant à Lysander. Non pas de lui, mais bien de moi qui avait échoué en un sens à lui présenter un modèle infaillible. Mais après tout ne l'avais-je pas amené à faire de ses échecs une force? S'il m'était donné de survivre à cette séance, cela pourrait à nouveau se faire, non sans mal.
Je conservais la même expression de marbre sur mon visage lorsque le représentant des familles prit la parole à son tour. Bien logiquement les attentes des familles rejoignaient celles du Triumvirat et si je supportai son regard à chaque fois qu'il choisi de croiser le mien, je ne lui adressais en retour aucun message, ni de défi ni de mépris. Les paroles prononcées étaient justes, et pour comble j'y adhérais sans réserve. Car comme en chaque instant que ma mémoire pouvait me remémorer, je n'avais pas renié ma croyance en ces principes édictés par notre Seigneur noir. Quiconque aurait été à ma place aurait été visé par une injonction similaire de ma part, et c'était bien là l'ironie de la situation. A leur place je me condamnerai aussi.
Lorsque Darth Daleth m'autorisa à prendre la parole je jetai un bref regard à l'holocron près de lui, ne m'attardant pas davantage à tout le panel de sanctions que sa simple présence rendait possible. Je devais choisir et peser chacun de mes mots, car ceux-ci seraient détaillés et jugés méticuleusement par tous. Ma tache la plus difficile allait être d'expliquer mes choix, et qu'ils soient compris à défaut d'être acceptés.
Merci Seigneur Daleth. dis-je avec respect avant de poursuivre, un bref silence passé.Je vais tenter d'être clair et précis.
Tout d'abord il me faut préciser un point: je ne demande aucune clémence. J'ai enfreins les lois de notre société et à ce titre je mérite le sort qui m'attend quel qu'il soit, car comme il a été très justement dit, nul n'est au-dessus de celles-ci. ajoutai-je avant de me taire à nouveau alors que la majorité des individus présents me fusillaient du regard.
Si rien ne peut excuser mon choix quant au sort des trois hommes, voici ce qui m'a amener à prendre cette décision en dépit de toute logique apparente.
La mission de Lord Canem au sien du centre pénitentiaire a mis en évidence mon échec quant à sa gestion. Je n'ai su y déceler la rébellion dans son ensemble et prendre conscience de la gangrène qui a pu y prendre pied. Plusieurs éléments m'ont amené à penser que le guet-apens dont a été la cible Lord Canem par quelques prisonniers avait bénéficié de complicités au sein du personnel.
Comme indiqué au cour de cette semaine, plusieurs éléments tels que des heures de passages à différents endroits de la structure, de légers retards ou encore d'autres données croisées dans les différents historiques de l'administration - données fournies lors de l'enquête dont j'ai fait l'objet - m'ont mené sur la piste des gardiens Toby, Dash et Mako. L'urgence de la situation, mon incapacité à obtenir les bonnes réponses, m'ont amené à commettre ce crime, cette erreur.
Je n'ai compris mon erreur que lorsque le docteur McBee fut mise à jour par Lord Canem. Je n'ai su déjouer son emprise secrète sur la prison dont j'avais la charge. Mon échec est total au regard de ce bilan, d'autant plus par mon autre erreur au cours de cette mission. Aveuglé par mon obsession de bien faire j'ai voulu aller au-delà de ma mission de support qui m'avait été confiée, et mon échec n'en a été que plus complet. finis-je par dire en évoquant mon entrevue brève mais désastreuse avec Lord Arrû puis Lord Canem dans les murs de la prison.
Durant cette semaine de douleur et d'introspection j'avais accru ma perception, et présentement elle me permit de ressentir la douleur et la peine des familles, mais aussi la soif de vengeance de certains. Il me fallait leur répondre, ou du moins tenter de le faire car ils n'étaient pas à blâmer pour leurs ressentiments à mon égard.
Ma mort ne serait pas à la hauteur de mes crimes comme il a été dit, quand bien même j'accepte de périr si tel est mon sort. Dans le cas contraire je ne souhaite pas quémander un adoucissement de ce qui m'attend. Je n'ai pas à bénéficier d'un quelconque allègement de ma peine. dis-je d'un ton assuré mais dénué de toute arrogance ou de mensonge en supportant le regard de chacun des membres de trois familles présents, l'un après l'autre, même Ashan.
Destitution, humiliation, déshonneur, exil, je m'y plierai sans réserve. S'il m'est donné de survivre, cela ne peut être qu'à un seul prix. Le pardon. Tant que je ne serais pas parvenu à ce que chacun souhaite m'accorder son pardon, alors je n'en aurais pas terminé. dis-je avant de poursuivre malgré le grondement qu'avaient provoqué mes paroles.
Mon titre, mes biens, mes aptitudes et mon savoir. S'ils me sont laissés à l'issu de ce jugement, je les emploierai pour vous. Qu'il s'agisse de vous construire quelque chose, de vous en trouver une autre, ou encore de vous protéger. De voyager pour vous ou encore vous transmettre quoi que ce soit. Que mon nom soit honni et synonyme d'échec. Etre votre esclave même ou encore subir les châtiments que vous imaginerez si cela peut vous aider à supporter la peine que je vous ai imposée. Voici ce que je vous offre, à vous dont j'ai brisé le coeur et la vie: vivre pour vous, jusqu'à ce que chacun d'entre vous puisse me pardonner. dis-je finalement avant de porter mon regard un instant sur Lysander, espérant qu'il saurait lui aussi tirer un enseignement de tout ceci, avant de m'adresser finalement à notre Seigneur.
Vous être Darth Daleth, notre Seigneur. Quel qu'il sera, je me soumettrai à votre jugement. ajoutai-je pour conclure avant de me taire finalement, et d'incliner à nouveau la tête. Je ne la relèverai que lorsque notre guide suprême prendrait à nouveau la parole, et ne parlerait que s'il me le demandait. Ce n'était pas le renoncement qui me guidait, mais une pleine lucidité de mes erreurs. Et mes convictions en nos lois n'en étaient que plus fortes.