Pâtés de sable
Année 518, mois 3, semaine 3
Tatooine et son climat si agréable pour passer de bonnes vacances estivales ; Tatooine et ses paysages flamboyants, vides de vie à perte de vue ; Tatooine et ses hommes des sables qui rôdent hors les murs des quelques lieux civilisés ; Tatooine et les forces des Hutts qui y sont de retour… On aurait pu rêver mieux, quitte à choisir une planète à envahir ! Voilà plusieurs jours que Jake, accompagnant Dyvan en guise de protecteur discret, a été déployé sur la petite planète de la Bordure extérieure et pour tout dire, s’il a d’abord souffert de la chaleur et de la sécheresse de l’air, ce qui le rend actuellement le plus mal à l’aise, c’est soit sa mission officieuse, soit la présence d’une énorme limace multimilliardaire à la tête de la plus grosse organisation criminelle de la galaxie dans la même ville que lui. On lui avait inculqué quelques principes, à savoir ne pas se faire des fréquentations douteuses, et voilà à présent qu’on lui ordonnait de s’en entourer pour mieux les cerner ! Et s’il n’y avait que le Cartel…
Perdu dans ses pensées et alors qu’il a bien mauvaise mine parce que celle qu’il était sensé protéger l’a encore envoyé sur les roses en prétextant qu’il ne pouvait rien lui arriver car personne n’oserait lever la main sur une duchesse hapienne, sans oublier ques son soi-disant comportement de goujat handicapé la mettait mal à l’aise, Jake se retrouve à arpenter les rues de Mos Eisley balayées par une brise aride de tout ce qu’il y a de plus désagréable. Croisant des hommes de main du Cartel et des personnes de la République dans cet étrange mélange des genres d’où l’on peut sentir une méfiance réciproque. Pourquoi sont-ils ici ? Pourquoi le Chancelier voudrait-il conclure une trêve avec ce qu’il avait juré de combattre et d’abattre ? Jake n’y voyait là qu’un moyen de gagner du temps pour régler chaque problème l’un après l’autre, plutôt que d’être encerclé de tous les problèmes au même instant. Trouvant refuge à l’ombre d’une terrasse de bar, l’ingénieur finit par s’affaler sur un siège avant de se faire servir sa consommation. Au début de son séjour dans ce trou de sable, il n’aurait songé qu’à boire quelque chose de très frais mais se rendant compte bien rapidement que ça ne faisait qu’empirer la sensation de chaleur qui l’assommait, il optait à présent pour du thé. Pas d’alcool pendant le service, comme on dit… dommage, parce que la liqueur de la région lui faisait de l’œil.
Observant les passages de la rue de son œil bionique, il aperçoit bientôt une silhouette perchée à la démarche étrange qu’il avait déjà repérée en arrivant sur Tatooine. Ce n’est pas un exploit en soi, il s’agit juste de la créature à l’apparence humaine la plus bizarre qu’il soit possible de croiser. Une démarche à quatre pattes, un teint cireux voire cadavérique, des yeux noirs qui luisent parfois d’une étincelle jaunâtre, pas la peine d’avoir déjà observé un Sith dans un vieux livre pour deviner que c’en est un. Sans parler de ce sillage désagréable qu’elle laisse sur son passage, cette trainée sombre que Jake associe au Côté obscur sans pour autant y avoir été confronté personnellement. On lui a appris que la Force est un tout, ni bien ni mal, juste là, à la fois vie et mort, parce que tel est le cycle de l’univers, énergie mouvante au gré des esprits qui l’utilisent ou l’affûtent, que l’on peut observer, mesurer et même – Jake l’avait fait – modéliser. Comme un couteau, c’est l’intention dans son utilisation qu’on peut juger au travers de la morale, pas l’outil lui-même. Mais en ayant eu l’occasion d’observer de loin certains Sith qui foulent le sol de Tatooine et de voir par lui-même les ravages que peut causer le Côté Obscur, il commençait à se poser des questions.
Des questions, il doit s’en poser d’autres s’il compte se mettre enfin sur sa mission : approcher les Sith pour mieux les cerner, les connaitre, et savoir ce qu’ils mijotent vraiment. Parce qu’il faudrait vraiment être dupe pour croire à ces histoires de faire de Tatooine un monde habitable, un paradis de verdure jailli du passé. Avec quelle technologie ? Quels moyens ? Ils ont fait venir des investisseurs mais s’il faut inventer la technologie capable de puiser de l’eau à très grande profondeur sans perturber la structure interne de la planète, ces pigeons ne risquent pas de voir des résultats convaincants avant très longtemps. Sans parler que les Sith ne se sont pas particulièrement illustrés pour leur altruisme par le passé. Et s’ils ont tant changé que cela, pourquoi alors conserver le nom de Sith ? Bref, la chose méritait réflexion et plus encore qu’on creuse la question.
Ses pensées sont coupées nettes quand, tout à son observation de la Sith à quatre pattes qui s’est un peu éloignée vers l’étendue du désert qui s’offre à la périphérie de la petite ville, Jake avale de travers en la voyant… manger du sable. Attend, quoi ?! Tapotant son torse du poing pour retrouver de l’air, il n’en croit d’abord pas son œil, le goujat balafré. Mais non, sa vue ne l’a pas trompé, ceci n’est pas un mirage du désert. Une jeune femme à l’aspect cadavérique est bien assise par terre à manger du sable.
« Ces gens sont complètement frappés ! », marmonne-t-il d’une voix étranglée tandis qu’il se lève. Aussi mauvais peuvent-ils être dépeints par les Jedi et l’Histoire, l’ingénieur ne peut tout de même pas laisser quelqu’un se tuer en avalant des choses pareilles. Repoussant ses tresses dans son dos, Jake se redresse d’un bond pour remonter la rue et rejoindre la jeune femme d’un pas rapide, le vent du désert fouettant son visage et son haut sans manches.
« Mais qu’est-ce que tu fais ? », s’exclame-t-il en l’approchant, avant d’avancer à son niveau pour s’assoir sur les genoux, bien content d’avoir investi dans des vêtements résistants à la chaleur avant d’embarquer pour cette aventure.
« Pourquoi tu manges du sable ? Ça se mange pas, tu sais… c’est même carrément pas digeste. »