Année 517, mois 6, début semaine 1
Il n’y avait pas de Vide, il n’y avait pas de métal, ni d’air, ni même de pensée. Simplement la pulsation. La pulsation fugace et infime de la vie, de la Force qui coulait en lui tantôt comme un torrent tantôt comme une rivière paisible. Petit à petit il se retirait, reprenait conscience du vaisseau autour de lui, mais c’était presque avec peine tant il était enfoncé profondément dans une méditation subtile. Avec délicatesse mais fermeté il étira ses jambes, se relevant d’une démarche souple, quasiment féline, éprouvant les sensations de ce corps qu’il lui semblait avoir quitté, tout au moins en esprit. Qin Vos revenait au monde.
Ou tout du moins revenait-il dans son vaisseau qui se dirigeait vers un monde. La chambre de méditation du Luminescent était d’une agréable sobriété, toute de bois et de matières naturelles, dénuée de tout aspect superflu, encourageant l’introspection. Il s’agissait d’une réplique de ses appartements de ce Temple à jamais perdu pour lui qu’il avait autrefois occupé. Pour l’heure cependant, la méditation et la sérénité d’une chambre vide devraient laisser place à de plus actives manigances, et c’est presque à regret que Qin quitta la pièce, avançant silencieusement dans les couloirs du vaisseau, saluant l’équipage de signes de tête plus ou moins appuyés.
Parvenant au pont de la corvette, un espace high tech mais de taille réduite – surface disponible du vaisseau oblige – il attira immédiatement l’attention des membres d’équipage qui œuvraient à déplacer le vaisseau en toute sécurité vers la planète capitale.
« - Maître Vos, fit le capitaine Janso, nous nous poserons dans l’aire sénatoriale numéro 515 d’ici quinze minutes. Les officiers de la République viennent de nous donner l’autorisation d’entrer en orbite, et nous subissons des scanners de proximité de la part d’un destroyer de garde. Rien ne devrait nous retarder et le planning prévu sera tenu. »« - Excellent travail capitaine, répondit Quin de sa voix douce. »Il vit l’homme, pourtant d’âge mur, le visage buriné par les aléas d’une vie de mercenaire à la retraite, se rengorger sous ces louanges. Un autre aurait pu concevoir un sentiment de supériorité et de mépris, mais Vos voyait simplement là le meilleur ordre des choses : l’œuvre utile de joie emplit le cœur, comme disait le philosophe jedi Yochil.
Mais une joie plus grande encore emplissait son cœur tandis que la corvette commençait à se positionner dans l’orbite surchargée de Coruscant et que la ville-planète se faisait de plus en plus visibles depuis sa position d’observation, seul le transpacier le séparant du vide spatial. Cela faisait presque trois ans qu’il ne s’était pas rendu en ces lieux, trop accaparé qu’il était par la migration géante qu’il organisait, et tandis que le vaisseau entamait son approche finale puis sa descente, il fut, comme à chaque fois, subjugué.
La beauté des spires élancées qui fendaient le ciel, le trafic ininterrompu de milliards de véhicules, les centaines d’espèces… Tout cela avait beau dissimuler misère, oppression, corruption, persécution et inégalité, seul un fou aurait nié l’incroyable majesté de Coruscant, et la présence dans la Force de ce monde était écrasante, phénoménale, renversante.
Mais à peine s’était-il accordé cet instant de contemplation que ses assistants, avisés qu’ils avaient été de sa sortie de méditation, arrivèrent comme un essaim de frelon. Il endura leurs attentions avec grâce, donnant ses dernières consignes. Car, après tout, l’événement était d’importance : il se rendait en visite auprès du Chancelier Suprême Halcyon. Un homme à propos duquel Vos avait des sentiments mitigés et conflictuels qui passaient néanmoins au second plan face aux faits et à l’analyse calme et froid de l’ancien maître jedi, analyse qui n’avait pas encore rendue tous ses fruits. De fait, si Halcyon se présentait comme un politicien jeune, dynamique, plein de vertus et décidé à redynamiser la république, il n’était que le énième de sa sorte et jusque-là aucun n’avait tenus les promesses vides de sens d’un système illogique et inefficace. Qu’il soit un escroc comme tous les autres ou qu’il soit un idéaliste sans discernement, peu importait, Vos avait une longue expérience des politiciens et peu de nuances quant à leur appréciation.
« - Nous entrons dans l’atmosphère. »Vos se tourna vers son droïde de protocole, HOI-10, acquiesçant. Sa perception surnaturelle le lui disait, la Force vibrait et s’agitait, il ne faisait aucun doute qu’ils étaient en train de pénétrer dans le cœur vibrant de l’activité galactique. La corvette avait été autorisée à se poser intra-Coruscant, sur une plateforme réservée aux vaisseaux principaux des sénateurs ou des invités de marque. Dans un sens c’était une concession plaisante et diplomatique, mais dans un autre c’était un excellent moyen de surveiller le personnel du projet Exodus et de maintenir le vaisseau sous le feu nourri de mille et un dispositifs de surveillance. Vos n’était dupe ni des pseudo amabilités de la République ni de sa fourberie habituelle.
Quelques minutes plus tard le vaisseau se posait sur le sol de la cité-monde, et la plateforme de débarquement s’abaissait majestueusement – après tout la corvette était certes d’origine militaire mais sa couleur était d’un blanc épuré et ses lignes joliment arrondies, particularité de la classe ambassador, destinée à la protection d’officiers du haut commandement ou de politiques. Vos fut le premier à en descendre, suivi de son personnel et de son droïde de protocole.
Il s’arrêta un instant, respirant. Sentant. Humant. Percevant avec la Force. Goûtant le micro univers qui se déversait ici. Puis avança. Avança vers la garde du chancelier, toute de bleue vêtue, dont les hommes se tenaient droits et ferme, le scrutant avec une méfiance toute professionnelle. Et derrière eux, élégant, charmant, impressionnant, puissant, autoritaire, ou tout au moins essayant d’être tout cela et plus encore : le Chancelier Suprême. Et son entourage pléthorique.
Vos s’avança jusqu’à lui et s’arrêta à trois pas des gardes. Avec un respect consommé de l’étiquette, il inclina respectueusement le buste.
« - Chancelier Suprême Orcus Halcyon, l’honneur que vous nous faites en nous accueillant ainsi sur le monde capital de la République est grand, et je me réjouis de vous rencontrer enfin. »Allait-on lui demander de remettre son sabre laser ? Ou allait-on le traiter comme un maître jedi sur le sujet et le lui laisser ? Ce serait un premier signe. Rien n’avait pas été évoqué à ce proposet il n’allait pas prendre l’initiative de le remettre aux gardes du sénat. C’était un premier test de l’attitude que voudrait adopter le Chancelier.